La meute médiatique
Alors que LFI est sous le feu des critiques après la publication, par deux journalistes, de La Meute (Flammarion), les médias n’en finissent plus d’atomiser le leader insoumis. Un unanimisme médiatique qui interroge alors que l’union de la gauche est plus que jamais en péril.
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© CHARLY TRIBALLEAU / AFP
Depuis une semaine, un travail journalistique issu de deux années d’enquête, cumulant près de deux cents entretiens, est au cœur d’une attention médiatique surprenante. L’ouvrage apparaît sérieux. La Meute, publié chez Flammarion, est signé de Charlotte Belaïch de Libération et d’Olivier Pérou du Monde. Pour qui suit La France insoumise depuis longtemps, on n’y apprend pas grand-chose du fonctionnement clanique, souvent violent et antidémocratique du mouvement de Jean-Luc Mélenchon.
Ce qui est intéressant dans le livre, c’est l’accumulation des informations, sourcées la plupart du temps – renvoyant quelques-unes aux dires d’anonymes – qui rend malgré tout tangible ce qui est reproché aux insoumis. Surgissent quelques révélations qui font tantôt froid dans le dos à l’instar du SMS de Jean-Luc Mélenchon à Charlotte Girard, la veuve de son proche et défunt conseiller, François Delapierre : « Delap aurait honte de toi », lui aurait-il lancé après qu’elle a décidé de prendre du champ, contestant en interne le fonctionnement de LFI.
Tantôt surpris quand on apprend que l’ex-candidat à la présidentielle de 2017 a songé un temps de se retirer de la course en faveur de Benoît Hamon, avant de se raviser. Le problème n’est pas le livre. Utile. Comme d’autres en leur temps ont révélé des histoires politiques similaires du mouvement En marche ou au FN, comme aujourd’hui au RN. Parce que ce qui est reproché à Mélenchon est aussi vrai pour Macron, Le Pen ou Bardella. Avec qui on aime prendre des selfies. Des partis dévoués à la cause de leur leader. Le problème est donc ailleurs. Il est dans le traitement médiatique de ce livre. Parce que depuis une semaine, s’il y a bien une meute, elle est médiatique.
Les mêmes éditorialistes, et ils se comptent par-delà les doigts de la main, qui se sont indignés du fait que Marine Le Pen pourrait être empêchée par la justice d’être candidate à la présidentielle en 2027 – pour avoir volé dans les caisses publiques, soit dit en passant –, nous expliquent en revanche aujourd’hui que Jean-Luc Mélenchon, compte tenu des révélations de La Meute, de son rapport à la démocratie, au pouvoir, à la violence, aux médias, etc., ne devrait plus pouvoir être en situation de se présenter à la présidentielle. Rien que ça. Disqualifié, le leader insoumis.
LFI a tort de ne pas s’interroger sur les raisons des accusations graves dont elle fait l’objet.
C’est ça, la meute médiatique : clémente avec Le Pen, intransigeante avec Mélenchon. Et il est là le problème. Parce que les médias se nourrissent du LFI-bashing. Parce qu’ils ne veulent pas d’un candidat insoumis à la présidentielle. Ils participent d’une certaine manière – et il ne s’agit pas de nier que LFI n’y contribue pas non plus au même titre que bien d’autres à gauche – à la mise en scène d’une conflictualité qui rend de plus en plus impossible l’union de l’ensemble des gauches.
Les insoumis seraient à ce point « extrêmes », à ce point « sortis du champ républicain », à ce point « antidémocratiques » et « violents » [sic], qu’il serait impensable, impardonnable – pour ces journalistes/éditorialistes – que le reste de la gauche s’allie à ces « infréquentables », donnant ainsi raison à tous les anti-Faure du Parti socialiste.
LFI a tort de ne pas reconnaître ses « purges », de ne pas s’interroger sur les raisons des accusations graves dont elle fait l’objet, qu’il s’agisse des questions de démocratie interne, d’antisémitisme ou de violences. Comme le dit Roger Martelli dans un excellent billet publié sur Regards, dans ce contexte, LFI est aussi « face à son destin ». « Vivre ou mourir comme le PCF », poursuit-il. Et il sait ne pas pouvoir compter sur la presse.
On ne peut pas rassembler la gauche en commençant par en exclure une partie.
La meute médiatique ne rêve que d’une chose : les deux gauches irréconciliables. Y succomber, c’est prendre la responsabilité de la défaite dans la durée. On ne peut pas rassembler la gauche en commençant par en exclure une partie. Chacun doit faire des efforts. Et sans doute LFI plus que d’autres, tant sa responsabilité – en tant que force motrice et mobilisatrice depuis 2022 – est immense.
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